
Les émotions sont depuis longtemps au cœur de notre expérience humaine. Durant l’histoire, les émotions furent souvent relayées au second plan, trop souvent négligées. Cependant, une redécouverte progressive de leur importance a transformé notre perspective, permettant une meilleure compréhension de la condition humaine.
La compréhension des émotions implique l’analyse de trois éléments interconnectés : l’aspect psychologique, l’aspect comportemental et l’aspect physiologique.
En combinant ces trois composants, nous obtenons une vision holistique de l’émotion. Les pensées et les interprétations peuvent influencer les réponses comportements et les changements physiologiques, créant une expérience émotionnelle subjective et complexe.
Les émotions sont déclenchées par des événements extérieurs ou intérieurs, et ont pour fonction d’adapter l’organisme à son environnement. Les émotions sont universelles, mais elles peuvent varier en intensité, en durée et en expression selon les individus et les cultures.
Paul Ekman, a proposé une théorie concernant les émotions dans les années 1970. Selon son approche, certaines émotions sont universelles et ne résultent pas d’un apprentissage. Il distingue six émotions de bases : la joie, la tristesse, le dégoût, la peur, la colère et la surprise. Les travaux de Paul Ekman ont montré que ces six émotions de bases ne sont pas déterminés par la culture ou un quelconque apprentissage. En effet, les études ont montré que ces émotions sont spontanées et reconnaissables au niveau de l’expression faciale.
Robert Plutchik a développé la classification des émotions dans les années 1980. Selon sa théorie, l’individu a huit émotions de base organisées en quatre paires opposées :
D’après lui, les émotions de base peuvent se combiner pour former des émotions dites secondaires, qui sont davantage complexes. Par exemple, la joie et la confiance combinées peuvent donner naissance à l’amour, alors que la peur et la surprise peuvent conduire à la soumission.

La classification développée par Klauss Scherer dans les années 1980 et 1990 postule que les émotions sont le résultat d’un processus d’évaluation cognitive qui se déroule en plusieurs étapes. Selon Scherer, il existe quatre composantes des émotions : la cognition, la physiologie, la motivation et l’expression. Chacune de ces composantes est influencée par l’évaluation de la pertinence, de l’implication, de la compatibilité et de la maîtrise d’une situation. Par exemple, si on se trouve face à un danger, on va évaluer si la situation est importante pour nous, si elle a des conséquences sur nos buts, si elle est conforme à nos normes et si on a le contrôle sur l’issue. Ces évaluations vont déterminer le type et l’intensité de l’émotion ressentie, ainsi que les réactions physiologiques, les tendances à l’action et les expressions faciales et vocales associées.
Les émotions et les besoins sont étroitement liés. Les besoins sont des états de manques ou de déséquilibre qui motivent nos actions pour les satisfaire. Les besoins peuvent être de différentes natures, comme les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d’appartenance, les besoins d’estime ou les besoins d’accomplissement.
Les émotions peuvent être considérées comme des signaux qui nous indiquent si nos besoins sont satisfaits ou non. Par exemple, si nous ressentons de la joie, cela peut indiquer que notre besoin de plaisir ou de connexion sociale est comblé. À l’inverse, si nous ressentons de la tristesse, cela peut indiquer que notre besoin de soutien ou de reconnaissance n’est pas satisfait.
Les émotions peuvent également influencer nos besoins en nous poussant à agir pour les satisfaire. Par exemple, si nous ressentons de la faim, cela peut déclencher le besoin de manger pour satisfaire cette sensation désagréable. De même, si nous ressentons de la peur, cela peut activer le besoin de sécurité et de protection.
Le lien entre émotions et besoins est une composante importante de la théorie de la communication non violente (CNV) développée par Marshall Rosenberg. La CNV propose une approche particulière pour comprendre les émotions et les besoins.
Selon la CNV, les émotions sont considérées comme des indicateurs de nos besoins. Lorsque nos besoins sont comblés, nous ressentons des émotions agréables, alors qu’à l’inverse, lorsqu’ils ne le sont pas, nous ressentons des émotions désagréables. L’identification des besoins nous permet de mieux communiquer et d’exprimer de manière authentique nos émotions. Par exemple : dire à votre interlocuteur que vous êtes déçu et terriblement frustré, car vous avez travaillé difficilement sur un dossier, mais que votre patron n’a pas fait aucun retour dessus. Il a regardé votre dossier, mais n’a pas fait de commentaire. Vous savez que ça lui a plu, mais vous n’avez pas eu le retour tant attendu qui était de reconnaître votre travail et de vous féliciter. Votre interlocuteur peut mieux comprendre en lui expliquant vos émotions : frustration, énervement, colère, tristesse, qu’avec un simple « ça ne va pas bien ».
Il est nécessaire de prendre conscience de notre capacité à influencer la manière dont nous percevons et vivons nos émotions. Les mots que nous choisissons peuvent avoir un impact sur nos comportements et nos réactions, particulièrement lorsqu’il s’agit d’exprimer et de comprendre nos émotions. Au fils de mes échanges, j’ai pu observer fréquemment les termes « émotions positives » et « émotions négatives. Néanmoins, il est essentiel de réaliser que c’est notre interprétation de la situation qui détermine si une émotion est perçue comme agréable ou désagréable. En réalité, c’est nous-même qui attribuons une interprétation et un jugement à chaque expérience émotionnelle.
L’utilisation de termes comme « émotion négative » peut entraîner une tendance à vouloir repousser ces émotions, les empêcher de se manifester, voire chercher à les faire disparaître. Pourtant, toutes nos émotions sont utiles et nécessaires à notre bien-être. Prenons l’exemple de la peur : bien que son ressenti ne soit pas agréable, elle joue un rôle déterminant pour nous permettre de réagir face à une situation dangereuse.
Si nous apprenons à être tolérant envers nos ressentis émotionnels, nous pouvons favoriser notre bien-être, mais aussi, cela peut nous amener à mieux accueillir et comprendre nos émotions. Reconnaître la valeur de chaque émotion, qu’elle soit perçue comme agréable ou désagréable, ouvre la voie à une meilleure compréhension de soi et à une gestion émotionnelle plus équilibrée.

Gendron, M., & Barrett, L. F. (2014). Chapitre 6. La compréhension des émotions. Dans M. Mikolajczak, J. Quoidbach, I. Kotsou, & D. Nélis (Éd.), Les compétences émotionnelles (p. 155-184). Dunod.
Ekman, P. (1992). « An argument for basic emotions. » Cognition and Emotion, 6(3-4), 169-200.
Lecomte, J. (2017). 6. La psychologie des émotions. Dans : , J. Lecomte, 30 grandes notions de la psychologie (pp. 31-35). Paris: Dunod
Lefebvre, C. (2019). Quel est le rapport entre besoins et émotions – Réveille ton leadership. Réveille ton leadership.
Niedenthal, P. M., & Brauer, M. (2014). Les émotions : une conception relationnelle. L’Année psychologique, 114(3), 501-536
Plantin, C. (2008). Facettes de la composante cognitive des émotions (Scherer 1984, 1993). ICAR
Plutchik, R. (1980). « A general psychoevolutionary theory of emotion. » In R. Plutchik & H. Kellerman (Eds.), Emotion: Theory, research, and experience (Vol. 1, pp. 3-33). Academic Press.
Rosenberg, M. B. (2003). « Nonviolent Communication: A Language of Life. » PuddleDancer Press.
Rosenberg, M. B. (2005). « Speak Peace in a World of Conflict: What You Say Next Will Change Your World. » PuddleDancer Press.
Scherer, K. R. (2005). « What are emotions? And how can they be measured? » Social Science Information, 44(4), 695-729.
Strongman, K. T. (2003). « The Psychology of Emotion: From Everyday Life to Theory. » Wiley.